Musculature
Le rôle sous-estimé du muscle dans la santé et la maladie
Les muscles et la réaction aiguë aux maladies critiques
L’état de stress, par exemple en lien avec des empoisonnements du sang (septicémies), un cancer avancé et des lésions traumatiques, sollicite davantage les acides aminés du réservoir musculaire que le jeûne. Les réactions physiologiques qui sont nécessaires à la guérison de maladies critiques peuvent englober la formation accélérée de protéines de phase aiguë dans le foie, la formation de protéines impliquées dans la fonction immunitaire, et la formation de protéines impliquées dans la cicatrisation des plaies. La sollicitation des acides aminés précurseurs pour la synthèse de ces protéines est extrêmement importante pour notre santé.
Ainsi, des études quantitatives menées sur la cicatrisation des plaies indiquent qu’un apport de trois grammes de protéines par kilogramme de masse corporelle et par jour est requis pour produire les précurseurs nécessaires à la formation de protéines responsables de la cicatrisation normale d’une plaie par brûlure de 50% du corps. Associée au besoin constant en acides aminés de la plupart des tissus et à la sollicitation accrue des cellules immunitaires et du foie, l’utilisation effective de protéines en cas de brûlure grave peut dépasser quatre grammes par kilogramme de masse corporelle et par jour. Cela correspond à quatre fois la quantité ou plus de protéines alimentaires absorbées quotidiennement dans un contexte normal. Par ailleurs, le stress stimule la production de sucre dans le foie, ce qui accroît encore la demande en acides aminés. La dégradation des protéines est par conséquent stimulée afin de répondre à ces besoins accrus et/ou satisfaire aux exigences en acides aminés. Cette réaction ne peut pas être enrayée sans d’importantes contraintes, même un soutien alimentaire agressif. Rien de surprenant à ce que les personnes ayant des réserves limitées en masse musculaire réagissent mal à ces états de stress. Ainsi, le taux de survie après de graves brûlures est le plus faible chez les personnes présentant une faible masse corporelle exempte de graisse.
On sait que la perte de masse musculaire a également une influence négative sur la survie en cas de maladies cancéreuses. Chez les patients atteints d’un cancer du poumon et bénéficiant d’une radiothérapie par exemple, la quantité de protéines corporelles peut fournir une indication quant à une récidive de la maladie. Chez les personnes concernées qui ont perdu des protéines corporelles, la maladie avait plutôt tendance à reprendre, et elles avaient au final moins de chances de survivre que les patients qui étaient en mesure de préserver leur masse musculaire. Bien qu’il soit possible que la perte musculaire soit due à une perte d’appétit et donc à une réduction des apports en protéines chez les personnes étant plus sujettes à une récidive de la maladie, le lien entre masse musculaire et récidive de la maladie est frappant.
Tandis que la masse musculaire semble jouer un rôle-clé dans la récupération après des maladies critiques ou de graves traumatismes, la masse musculaire et la force sont capitales pour le processus de régénération. L’étendue et la durée de la perte de force comme conséquence d’une maladie critique sont dramatiques: moins de 50% des personnes qui travaillaient avant d’entrer au service de soins intensifs retournent au travail dans l’année suivant leur sortie de l’hôpital. Des pertes importantes de masse musculaire et de force pendant une hospitalisation aiguë qui avaient entraîné un handicap physique durable étaient vraisemblablement co-responsables de cette récupération retardée. Lorsqu’il y a déjà un manque de masse musculaire avant le traumatisme, la perte aiguë de masse musculaire et de fonction peut faire tomber la personne concernée en-deçà d’un seuil qui ne lui permettra probablement jamais de rétablir la fonction normale. C’est pour cette raison que 50% des femmes de plus de 65 ans qui se sont brisé la hanche après une chute ne remarchent plus.
Source:
- Biolo G, Flemming RYD, Maggi SP, Nguyen TT, Herndon DN, Wolfe RR. Inverse regulation of protein Turnover and amino acid transport in skeletal muscle of hypercatabolic patients. J Clin Endocrinol Metab
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